Entrainement
Pas facile de s’entrainer pour un thru-hike parce que rien ne peut vraiment préparer à cela, si ce n’est d’en avoir déjà fait un. Et si c’est votre cas vous n’êtes probablement pas en train de parcourir ce site web. Alors comment peut-on se préparer au mieux quand on va marcher tous les jours pendant 5 mois? Je n’ai pas vraiment de réponse tranchée et définitive à cette question, et pour être honnête je pense que je suis moi-même parti à la fois mal entrainé et sous-entrainé, mais je vous propose quand même ici quelques pistes de réflexion. Ensuite je vous explique comment je m’étais préparé.
Quelques idées que je partage
- Une bonne condition physique est un sérieux atout…
Je commencerais par dire, même si ça parait évident, qu’une bonne condition physique générale est requise pour ce genre d’activité. C’est vrai que j’ai vu sur le PCT des gens de tous les âges et de tous les morphotypes, dont certain(e)s sont allé(e)s jusqu’au bout. Le mental compte au moins autant que le physique sur un thru-hike, et je pense sincèrement qu’avec suffisamment de volonté n’importe qui peut marcher le PCT. Néanmoins un mode de vie sain et une base physique saine, même s’ils ne garantissent pas la réussite de l’entreprise, constitueront quand même un atout évident. - … sans être absolument indispensable
Après il ne faut surtout pas penser que le PCT est une aventure de l’extrême, qui nécessite un engagement physique hors norme et qui serait donc réservée à une sorte d’élite du sport, habituée des marathons, des triathlons et autres parcours du combatant. Avec le PCT on est clairement dans le domaine de la randonnée et, comme toute randonnée, elle est accessible à qui se donne les moyens de la réaliser.
J’ai énormément entendu ce commentaire de la part des locaux que je croisais et qui venaient faire sur le PCT des marches à la journée, le weekend: « je rêve de faire le chemin entier comme vous, mais je ne peux pas ». Quelques un(e)s bien sûr me disaient qu’ils(elles) n’avaient pas le temps à cause de leur travail et qu’ils(elles) ne pouvaient pas se permettre de s’arrêter 6 mois, mais pour la plupart c’était « je suis trop vieux/vieille », « je ne suis pas assez musclé(e) », « je n’ai pas la condition physique nécessaire », « je sais que je n’y arriverai pas »… Alors qu’en fait si. En exagérant à peine, on pourrait dire qu’il suffit de prendre son sac à dos et de marcher…Une bonne forme physique est donc un atout évident mais, tout en n’étant pas une condition suffisante à la réussite d’un thru-hike, elle n’en est pas non plus une condition absolument nécessaire.
- Partez en connaissant bien votre équipement
A minima il faudra tester votre équipement complet en conditions réelles. Ça c’est très important, indispensable même, et par équipement complet j’entends le sac à dos que vous emporterez, chargé de TOUT le matériel qu’il contiendra, ainsi que de vos consommables: 2-3 litres d’eau et 3-4 jours de nourriture. Aux pieds il faudra mettre les chaussures que vous porterez au départ de Campo, pas un autre modèle. Les chaussures de trail n’ont pas besoin d’être « cassées », mais les chaussures de randonnée à l’ancienne, notamment celles qui ont une tige haute, oui. Effectuer ces sorties « test » vous permettra de faire ça. Et pour les vêtements c’est la même chose: il faut tester sur le terrain ceux que vous porterez vraiment sur le PCT.
De cette manière, vous pourrez voir comment les différents éléments de votre équipement interagissent: ces chaussures qui étaient tellement équilibrées au magasin, est-ce qu’elle le sont autant avec 12kg sur le dos? Ce sac à dos dont la ceinture était si confortable à vide, est-ce qu’il s’adapte bien à la ligne de ceinture de votre pantalon ou de votre short? Est-ce que les pans de votre chemise ne font pas des plis sous la ceinture, ce qui vous causera des brûlures aux hanches dès les premiers jours de marche? Est-ce que le matériel dont vous devez vous servir souvent est aussi facilement accessible que vous le pensiez, ou au contraire est-ce que vous devez vous contorsionner (voire pire: enlever votre sac) pour l’atteindre?
Cela vaut aussi pour la tente: entrainez-vous à la monter et à la replier quelques fois. Si votre sortie d’entrainement peut comporter une ou deux nuit de bivouac c’est donc l’idéal. - Pour s’entrainer à la marche, il faut marcher
Sur un thru-hike de plus de 4.000km à travers déserts, montagnes et forêts le corps va être mis à l’épreuve, c’est une évidence. Mais pas forcément de la manière qu’on pourrait imaginer, et surtout pas d’une manière à laquelle on peut réellement se préparer. Bien sûr que le PCT fait appel aux capacités physiques de ceux(celles) qui s’y attaquent, et bien sûr qu’avoir entrainé ses muscles et son système cardio-vasculaire sera d’une aide précieuse. Mais ce qui caractérise ce type de marche c’est surtout l’infinie répétition des mouvements, des impacts et des frottements, jour après jour pendant des mois, et ça c’est très dur à imiter ou à simuler dans un contexte autre que celui de la marche quotidienne. Donc dans l’idéal, pour se préparer à la marche il faut marcher. Et pour se préparer à marcher tous les jours, eh bien… il faut marcher tous les jours. Ça parait un peu idiot mais c’est vraiment la meilleure chose à faire. Donc l’idéal, si vous en avez la possibilité, c’est de faire plusieurs sorties d’une semaine au cours de la saison qui précède le départ, sur des terrains plutôt faciles techniquement et physiquement, en marchant chaque jour à peu près ce qu’on marche sur le PCT (15-20 miles).
Bien sûr je me rends compte que ce n’est pas évident pour tout le monde en termes de congés… Pour ceux(celles) qui ne peuvent pas faire ça il y a le point suivant… - C’est le PCT qui vous entrainera à marcher le PCT
Gardez en tête que le PCT se joue sur le long terme, et que sur place vous aurez le temps de vous acclimater à ces conditions de marche hors norme. En démarrant tranquillement (je vous encourage à bien lire la page sur ce sujet, c’est très important) vous permettrez à votre corps de s’habituer et vous ferez exactement ce que je décris dans le point précédent: en marchant, vous vous entrainerez à marcher. Si c’est trop difficile au début, ralentissez: sur une rando de long terme comme ça, le rythme au départ n’a aucune importance. Vous serez très surpris(e) des distances que votre corps sera capable d’abattre une fois qu’il se sera habitué, donc laissez-lui le temps de le faire! - La musculation en salle est une option (seule ou en complément de la marche)
Si vous n’avez vraiment aucune opportunité de vous entrainer sur le terrain dans les mois qui précèdent votre départ mais que vous êtes mal à l’aise avec l’idée d’arriver sans la moindre préparation physique (et c’est vrai que ce n’est pas conseillé), il vous reste l’option de l’entrainement en salle.
Allez-y aussi souvent que vous le pourrez, deux fois par semaine minimum, idéalement tous les jours.
Le travail du système cardio-vasculaire est incontournable, c’est lui qui souffrira le plus dans les premiers jours sur le trail. Ensuite il faudra travailler en priorité les mollets. Ils vont être soumis à très rude épreuve sur le trail, et avec eux tous les petits muscles des pieds ainsi que les tendons d’Achille et les fascias plantaires. Les habituer à travailler aussi souvent et aussi longtemps que possible peut donc vraiment vous éviter des ennuis une fois sur le PCT. Ensuite viennent les fessiers, qui seront en première ligne après les mollets, puis les quadriceps. Pour une bonne posture, travailler l’ensemble des muscles du dos sera aussi une bonne chose, tout en n’étant pas aussi critique que le groupe des jambes. Enfin, tous les exercices d’équilibre sur des surfaces instables qui visent à renforcer la cheville et à améliorer la proprioception des membres inférieurs seront extrêmement bénéfique. Ces exercices sont un peu fastidieux et s’astreindre à les faire régulièrement demande une véritable discipline, mais le retour sur investissement est énorme.
Ma condition physique, mes habitudes sportives
Voici mes « caractéristiques physiques » pour vous aider à mettre les choses dans leur contexte:
- J’avais 39 ans quand j’ai marché le PCT
- Je chausse du 40 en ville
- Je mesure 1m76
- Je suis non-fumeur
- Mon poids de forme oscille entre 59 et 60kg. Je suis donc plutôt longiligne.
- Mais surtout je suis sec: mon taux de masse graisseuse, très faible, se situe aux alentours de 6.5% (les balances domestiques qui mesurent ça ne sont pas forcément très précises, mais même avec une marge d’erreur de 20% ça fait une fourchette de 5.2-7.8%, ce qui est très bas dans tous les cas). C’est un élément important car ça veut dire que je suis un bon candidat à l’hypothermie – je dois donc m’en prémunir à l’aide du matériel adéquat – et que je dois adapter mon régime alimentaire en cas d’effort physique intense et prolongé car je n’ai pas de réserves de graisses dans lesquelles puiser. J’ai essayé de prendre du poids avant le PCT grâce à un régime spécifique, mais ça n’a pas marché.
Quand j’ai pris le départ, je faisais depuis 4 ans de l’acroyoga de manière assez sérieuse. Pour ceux/celles qui ne connaissent pas, c’est un art du mouvement qui se pratique à deux et qui se trouve à la croisée de l’acrobatie de cirque et du yoga. Entre ma pratique personnelle quotidienne, les cours que je suis et les entrainements avec mes partenaires, je pratique environ 10h par semaine en hiver, et jusqu’à 30h par semaine en été, où le climat et les journées beaucoup plus longues incitent à passer beaucoup de temps dehors et à s’entrainer plus longtemps. Cette discipline telle que je la pratique me fait travailler principalement les muscles des membres inférieurs, ce qui m’a donné confiance dans mes jambes (et dans une certaine mesure c’était une erreur).
Je ne pratique pas de sport en salle et je n’en ai pas fait pour le PCT.
Mon entrainement pour le PCT
En plus de ma pratique de l’acroyoga, j’ai fait les sorties suivantes:
- Rando journée en région parisienne: 35km parcourus en 8h15 de marche environ, 1.300m de dénivelé positif, sac chargé à environ 8kg. Test de chaussures de rando à l’ancienne, très rigides et avec tige haute, mais qui ne m’ont pas donné satisfaction.
- Rando journée en région parisienne: 18km parcourus en 5h, 930m de dénivelé positif, portage de l’ordre de 5kg. Mes chères Asolo meurent de leur belle mort après de longues années de bons et loyaux services: la semelle extérieure est intégralement décollée quand je termine la journée.
- Randonnée de 6 jours dans le désert marocain, avec un mélange d’erg (désert de pierre) et de pure dune de sable. Environ 6h de marche par jour avec un portage léger, de l’ordre de 2-3kg. Je teste les Saucony Xodus, j’en suis ravi.
- Toujours au Maroc, rando journée dans les gorges du Todgha (3 heures dans un environnement plutôt montagneux) puis descente de la vallée du Todgha jusqu’à Tinghir (3 heures sur des chemins de terre, quasiment à plat). Portage léger, de l’ordre de 2kg. Les Saucony révèlent leur très grande faiblesse sur terrain boueux.
- Rando journée en région parisienne: 26.5km parcourus en 6h, sac chargé à 22kg. Le choix des Saucony se confirme, mais le sac de test n’est pas celui que j’emporterai sur le PCT (à ce stade mon choix n’est pas encore arrêté).
C'était bien, mais pas suffisant
Je suis arrivé mal préparé sur le trail, et mon corps me l’a tout de suite fait sentir comme je vous le raconte sur la page « Commencez lentement ».
Ma première erreur a été de penser que ma pratique intensive de l’acroyoga serait suffisante à entrainer mes jambes. Or dans l’acroyoga ce sont surtout les quadriceps qui travaillent, alors que quand on marche ce sont les mollets et les fessiers qui sont mis à contribution de la manière la plus brutale. En revanche, cette pratique fait bien travailler le système cardio-vasculaire et de ce point de vue là je suis arrivé correctement préparé.
Ma seconde erreur a été de croire que de longues randonnées à la journée avec un sac à dos chargé de manière plus ou moins réaliste constituaient une bonne simulation du PCT. Ce n’est pas du tout le cas! Ce qui définit un thru-hike, c’est la répétition des gestes, tous les jours, pendant des semaines puis des mois. Faire une sortie le weekend et rentrer à la maison le soir, prendre une douche, aérer ses pieds, les laver, reposer tous ses muscles en dormant dans un lit confortable, ça n’a rien à voir avec les conditions qu’on va rencontrer sur le trail.
Mon agenda ne me permettait pas de faire beaucoup mieux: je ne pouvais pas faire plus de sorties les weekends ni caser du sport en salle pendant la semaine. En particulier, je n’ai pas eu l’occasion d’aller marcher une semaine complète en bivouac avec tout mon matériel. Ce n’est pas grave, on se prépare au niveau où on peut. Mais j’aurais dû adapter mon rythme et marcher beaucoup plus lentement pendant toute la première semaine. Je ne l’ai pas fait, et j’ai failli le payer très cher (là encore, voir la page « Commencez lentement » si vous ne l’avez pas déjà consultée).